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Une réflexion sur le concept Nationalité  

 
 

 
(Me René Julien)  
 
Beaucoup de pays refusent, de nos jours, de faire de la nationalité un dossier sensible, un champ où est strictement privilégié la loi du sang (jus sanguini) ou la loi du sol (jus soli). La conception libérale du monde contraint les peuples à être plus ouverts, plus flexibles et moins exigeants dans leur approche en matière de nationalité.  
 
Nationalité/un domaine de la loi  
 
Des observateurs avisés prétendent que ce serait suranné pour un pays de rester cloîtré dans des considérations nationalistes déphasées par rapport aux nouvelles réalités d’un monde en mutation constante.  
 
Plusieurs pays ont libéré leurs constitutions de ce sujet jugé trop dynamique pour être inclus dans un texte constitutionnel qui se veut souvent intouchable ou qui crée des problèmes majeurs pour sa révision. Ils ont préféré traiter l’espèce à partir de la loi.  
 
Certaines constitutions haïtiennes ont fait de la nationalité un domaine spécifique de la loi. Par exemple, la Constitution du 19 juin 1918, en son article 3, a stipulé : « Les règles relatives à la nationalité sont déterminées par la loi ».  
 
D’autres Constitutions ne s’arrêtent pas là. Elles ont donné une opinion sur la qualité d’haïtien. En son article 11, la Constitution du 29 mars 1987 définit drastiquement ce qu’elle entend par haïtien d’origine : « Possède la nationalité haïtienne d’origine, tout individu né d’un père haïtien ou d’une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés Haïtiens et n’avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance.»  
 
Nationalité d’origine/Faux pas de la Constitution de 1987  
 
Il est évident que la Constitution haïtienne du 29 mars 1987 aborde la question relative à la nationalité d’origine sans évaluer l’ampleur des problèmes structurels auxquels le pays est confronté, notamment dans le domaine de l’état civil. Une loi bien débattue dans les deux chambres du Parlement aurait pu éviter cette inadéquation entre la réalité existante et les dispositions devant réglementer la matière. Et le législateur aurait pu probablement se montrer moins exigeant dans l'attribution de la nationalité haïtienne d’origine, compte tenu des manquements au niveau national, en matière de l’état civil.  
 
Nationalité par rapport à la naissance 
 
D’après les statistiques, plus d’un million d’Haïtiens sont actuellement dépourvus de leurs actes de naissance. D'autres sont détenteurs des actes d'état civil problématiques. Or, la façon dont la Constitution de 1987 a traité la question de nationalité haïtienne d’origine fait apparaître l’importance primordiale de l’acte de naissance dans l’administration de la preuve en cette matière. Rares sont, en effet, les Haïtiens qui ne sont pas confrontés aux difficultés d’un acte de naissance non conforme.  
 
Des mesures politiques pouvant produire des effets susceptibles de résoudre, dans l’immédiat, les problèmes spécifiques provoqués par l’impossibilité d’établir la preuve de la naissance de nos grands parents défunts, voire même leur nationalité, s’imposent. Sans quoi, l’on risque, dans un avenir pas trop lointain de se retrouver sur un terrain politique désert, faute de citoyens d’origine. D’ailleurs, faut-il noter qu’à 99l’élite dirigeante haïtienne est constituée de gens provenant des provinces, régions les plus touchées par les problèmes de l’état civil.  
 
Mesures de redressement de la situation 
 
L’application scrupuleuse des dispositions de loi relatives à la naissance, notamment l’article 55 du code civil, l’intervention de l’Etat dans les façons de procédé des institutions chargées légalement de collecter les premières informations sur la naissance, la tenue de séminaires au profit des fonctionnaires ; autant de mesures qui doivent être prises pour juguler d’abord le problème, avant d’envisager l’application stricte de l’article 11 de la Constitution. Ceci dit, l’application de cet article n’est pas pour demain.  
 
Aujourd’hui, avec cette disposition controversée de la Constitution de 1987, il est plus facile de ressusciter, dans son tombeau, un grand parent défunt ou de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille que d’administrer la preuve de la nationalité haïtienne d’origine à partir d’un acte de naissance.  
 
Des citoyens notoirement connus comme étant des haïtiens d’origine se trouvent dans l’impossibilité d’administrer la preuve de leur nationalité haïtienne d’origine faute de pouvoir le faire en ce qui concerne leurs grands parents comme le veut l’article 11 de la constitution. En effet, comme pour la filiation légitime, la possession d’état devrait être évoquée pour le traitement des cas y relatifs. La notion de possession d’état se définit comme le fait de jouir des avantages qui sont attachés à cet état et d’en assumer corrélativement les charges. 
 
L’enfant haïtien né a l’étranger  
 
Compte tenu du fait qu’Haïti, depuis son indépendance, a toujours privilégié la loi du sang, en matière de nationalité, il est tout à fait normal que l’enfant né à l’étranger d’un père haïtien et d’une mère haïtienne soit indiscutablement considéré comme un haïtien d’origine. Il ne devait pas être question d’une option de l’enfant à l’âge de 18 ans pour sa nationalité. En principe, toute autre nationalité le cède à la nationalité haïtienne acquise par le sang. Cela signifie que là où une goutte de sang haïtien a contribué à une naissance, la nationalité haïtienne surgit.  
 
Il existe des pratiques qui sont aujourd’hui révolues en matière de nationalité. Est-il admissible, à l’heure actuelle, ou l’émancipation de la femme devient de plus en plus une réalité incontournable, de contraindre la femme haïtienne mariée, considérée comme étant mineure avant la loi du 8 octobre 1982, à opter pour la nationalité de son mari étranger, comme le voudrait certaines constitutions antérieures et la loi régissant la matière ?  
 
Haïtien naturalisé étranger  
 
L’article 13 de la Constitution énumère trois faits pouvant priver un haïtien de sa nationalité. Ce sont :  
- La naturalisation acquise en pays étranger ;  
- L’occupation d’un poste politique au service d’un gouvernement étranger ;  
- La résidence continue à l’étranger pendant trois ans d’un étranger naturalisé haïtien.  
 
N.B : L’Haïtien d’origine recouvrant sa nationalité, après avoir été naturalisé étranger, n’est pas traité politiquement comme l’Haïtien d’origine n’ayant jamais renoncé à sa nationalité. L’accès aux hautes fonctions politiques du pays lui est interdit.  
 
Les membres des Conseils d’administration de la Section Communale, ceux des Conseils Municipaux ne sont pas concernés par cette restriction. Les étrangers naturalisés haïtiens, les haïtiens naturalisés étrangers ayant recouvré leur nationalité haïtienne sont habilités à être membres desdits conseils.  
 
La qualité d’Haïtien admis pour être ministre ou secrétaire d’Etat au sein du gouvernement n’est pas clairement définie par la Constitution de 1987. Il revient donc au législateur de le préciser.  
 
En tout cas, le silence de la Constitution est loin d’être une raison pour justifier la présence d’un étranger au sein de la plus haute instance politique du pays. Pour clarifier la situation, des débats pourraient être engagés sur le type d’Haïtiens habilités à intégrer le gouvernement. Rien n’interdit de procéder par analogie :  
 
L’article 157 de la Constitution de 1987 reconnaît en son 1e alinéa que pour être Premier Ministre, il faut être haïtien d’origine et n’avoir jamais renoncé à sa nationalité. Plus loin, à la fin de l’article 162 de la Constitution, il est clairement dit : « Le premier Ministre peut être chargé d’un portefeuille ministériel. » Il en résulte que tout ce qui vaut pour le premier des ministres doit aussi valoir pour les autres ministres.  
 
La double nationalité 
 
La double nationalité se définit par l’appartenance simultanée à la nationalité de deux Etats non fédérés. Certain pays n’y voient pas d’inconvénients, d’autres en font un problème. Dans le temps, Haïti l’admettait. A l’article 18 de la Constitution de 1983, nous lisons : «La double nationalité pourra être reconnue par convention bilatérale ou multilatérale…»  
 
En déclarant en son article 15 que « la double nationalité haïtienne et étrangère n’est admise en aucun cas », la Constitution du 29 mars 1987 dénote une tendance qui assimile Haïti aux pays jaloux de leur sang ou farouchement attachés au lien du sang. Le principe est que, pour Haïti, on est haïtien d’origine jusqu'à la mort. 
 
Cette remarque est de nature à projeter une certaine lumière sur le sens le plus approprié à l’article 15 de la Constitution. Contrairement à une considération très répandue, cet article refuse à l’Haïtien d’origine toute nationalité autre que celle acquise par le sang. Le lien du sang l’emporte sur tous les autres. En résumé, la constitution de 1987 n’interdit pas la double nationalité, elle ne l’admet purement et simplement. 
 
Juridiquement, l’adoption d’une nationalité étrangère non accompagnée d’un acte formel de renonciation à la nationalité originaire, régulièrement signifié au gouvernement du pays d’origine, constitue une décision personnelle qui n’engage que celui qui en est l’objet. Une telle décision ne saurait être opposable à l’Etat. La nationalité est avant tout une affaire d’Etat.  
 
On peut le témoigner, même dans les liens de l’adoption étrangère, l’haïtien reste indissolublement attaché à l’alma mater; ses rapports affectifs avec le pays natal sont toujours maintenus très forts. Il n’hésite pas à se livrer à des critiques souvent acerbes contre le pays d’adoption, lorsqu’il estime que ses actes portent atteintes aux intérêts de « son Haïti chérie ». Haïti, n’a-t-elle pas toujours considéré les exploits d’un haïtien naturalisé étranger comme étant les siens - L’opinion publique haïtienne fait-elle de Madame la très Honorable Michaelle Jean, gouverneure générale du Canada, une haïtienne d’origine à part entière ?  
 
La Constitution de 1987 est toutefois consciente des circonstances qui peuvent porter involontairement un compatriote à renoncer à sa nationalité. En son article 286, n’a-t-elle pas accordé deux ans, à partir de sa promulgation, aux haïtiens naturalisés étrangers durant la dictature, pour recouvrer leur nationalité par une simple formalité au ministère de la Justice ?
 
 

 
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Modifié en dernier lieu le 29.12.2009
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